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Djibouti: Éducation Nationale (part.4)


Pour continuer cette série d'articles sur l'école djiboutienne et son maître, je vais remettre certains faits en contexte. Dans le but de bien comprendre la suite des événements, il m'a paru nécessaire de faire cette mise en contexte en résumant la situation qui prévalait au pays dans les années 90. Après, il sera plus facile de saisir le pourquoi, le comment, le quand, le qui, etc.

Souvenez-vous. Juin 1990, Sommet de La Baule. Mittérand ordonnait la fin du parti unique à ses ouailles africaines. À djibouti comme ailleurs, on trainait les pieds. Six mois plus tard, au mois de novembre 1991, le FRUD avait investi la ville d'Obock. Il avais pris sans difficultés toute la ville et l'avait occupé toute une nuit puis, s'était retiré au petit matin en emmenant dans son repli, son premier prisonnier de guerre en la personne de Houssein Abdillahi, chef de la brigade de la Gendarmerie Nationale d'OBock et son véhicule de service.

Après cette spectaculaire prise de la ville d'Obock, par la suite, en quelques mois seulement, cette rébellion avais pris tout le nord et l'ouest du pays. Il avait même menacé la capitale en arrivant dans la région montagneuses d'Arta.

Heureusement pour le régime, le FRUD avait commis une erreur qui allait lui être fatale. Il était composé de combattants issus exclusivement de l'ethnie afar. Profitant de cette erreur, Gouled et son clan décrétèrent alors une mobilisation générale.

Cette mobilisation générale faisait appel non seulement à tous les militaires (même ceux en vacances ou congé de maladie) mais aussi aux retraités de l'armée, aux sans-emploi, aux sans-papiers, etc. Ils avaient même fait appel à d'anciens officiers de Syad Barré et de Menghistu! Les camps de réfugie du district d'Ali-Sabieh comme Awr-Aoussa avaient été, eux aussi, mis à contribution.

Militairement parlant, grâce à cette mobilisation, le gouvernement avait pu reprendre la main, sur le champs de bataille. Grâce à elle, il était désormais en position de force à un degré où même la France qui ne donnait pas cher de sa peau et qui faisait les yeux doux à la rébellion et à certains partis d'opposition, au début du conflit, avait fini par changer de plan!

Au plan socioéconomique cependant, cette guerre a fait entrer le pays dans une voie de non-retour car cause de l'état d'urgence, le peu de contrôle des dépenses qui existaient auparavant a été, purement et simplement, mis au rencart.

Des proches du régime avec des mallettes pleines de cash sillonnaient la planète à la recherche d'armement et d'équipement militaires, vendus sur le marché noir après la déconfiture de l'empire soviétique et de ses satellites. Beaucoup de nos nouveaux riches actuels avaient commencé a s'enrichir (vraiment!) à cette époque. Je parle bien sûr des nouveaux riches du régime, cela s'entend!

Je me rappelle l'exemple cocasse de ce gars qui avait obtenu le contrat de fourniture de bottes aux policiers déployés au front nord et qui, ô surprise, avait livré un container plein de plusieurs milliers de chaussures d'un même pied! Eh oui! Plusieurs milliers de chaussures, toutes du même pied (gauche ou droit, who cares?). Ridicule et scandaleux. Ce qui est encore plus scandaleux, ce que personne n'ait été punie pour ça et que personne n'ait rien remboursé ne serait-ce qu'un seul franc symbolique.

Il y avait aussi le cas cet autre “entrepreneur” qui avait livré des sacoches du genre “charchari” aux forces armées (en guise de sac-à-dos de qualité militaire). Au lieu de sacs «army grade», cet individu avait tout simplement commandé des sacs en vinyle, à peine plus résistant que les sacs d'épicerie mais... aux couleurs de camouflage militaire. Il avait livré des sacs “charchari-grade” (sacs destinés à un usage souvent unique). Le genre de sacs que nos charcharis de Dubai utilisent souvent comme emballage pour les différents lots de tissus qu'elles importent (foutas, boubous, châles, sous vêtements...). Ce sont des sacs a roulettes, bandoulière et laisse pour, être trainé dans les halls des aéroports ou, être porté à bout de bras ou encore, être accroché à l'épaule. Un moment! On n'appelle même pas un sac-à-dos, ça!

En tout cas, sur le terrain, cette “shandad sharshaari” était devenue plutôt un obstacle à la mobilité des militaires qui évoluaient souvent dans des terrains très accidentés. Terrains nécessitant, des fois, l'usage de quatre membres pour pouvoir se déplacer. Imaginez, la galère! Mais ce n'est pas tout, le vinyle était trop fragile et, était donc simplement incapable de tenir sous le seul poids des munitions. Oubliez le reste du paquetage: couverture, toile de tente, gamelle, provisions, etc. Résultat, quelques jours après la distribution de ces sacs, les militaires et surtout les “mobs” portaient, de nouveau, leur maigre paquetage à la main!

Tout ça pour dire une chose. À cause de l'état d'urgence instauré (et maintenu exprès, même longtemps après les hostilités) des petits malins ont pu faire main basse de toutes les ressources du pays. Pendant cette guerre (et même après) alors que la plupart d'entre nous, impuissants et souvent résignés, avions les yeux rivés sur le champs de bataille et/ou sur la perte de tous nos acquis et/ou pleurions l'un la perte de l'un de nos proches, jour après jour, cette poignée de petits malins se faisaient de couilles en or, à nos dépens!

Pendant que les uns mouraient sous les balles, les autres perdaient tous leurs acquis sociaux. Et... pendant ce temps, les petits malins du régime se faisaient de couilles en or en livrant de la pacotilles et de la camelote à l'armée, au prix fort. Par dessus le marché, en plus des détournements, le peu de marchandises livrées étaient très souvent inutilisables: des hélicos qui ne décollent pas, des fusils qui ne tirent pas, des minutions aussi utiles que des pétards mouillés... La liste est longue.

À cause de ces malfrats, le pays entier étaient exsangue de ses ressources humaines et financières. Au lieu de déclarer forfait et d'organiser des élections pour laisser à d'autres le soin de redresser le pays et le réconcilier, le régime de Gouled persiste et signe: impose un impôt “patriotique” de 20% (avec retenue à la source) à tous les salariés du pays. Il gèle aussi tous avancements de tous les employés de l'État pour une période (renouvelable) de 5 ans. En outre, il fait appel aux charognards de Bretton Woods (Banque Mondiale et FMI). Le P.A.S. (Programme d'Ajustement Structurel) est né. Tout ça était maintenu et orchestré pour mettre à sac le pays tout en préparant, dans l'ombre, la succession de Gouled . “L'effort de guerre” quel alibi pour un dictateur!

Pour le régime, la fin (garder le pouvoir à n'importe quel prix pour pouvoir vider les caisses en toute impunité) justifiait le moyen. Nos maigres revenus et nos vies, tout y passait. On perdait sur tous les tableaux.

Cette brève mise en contexte effectuée, retournons maintenant au maître. Le maître qui était (et reste toujours) un des rares fonctionnaires(*) à n'avoir que son salaire pour survivre, s'est retrouvé encore plus pauvre, lui qui n'avait pas accès au “casho”!

Hélas, les choses s'empirent encore plus pour le maître: après la retenue de 20% sur le revenu, le droit au logement gratuit tombe lui aussi. Il est remplacé par le droit à une prime de logement 50.000Fdj max. En quelques mois, cette mesure à la va-vite et sans aucune forme de transition, a jeté à la rue beaucoup de maîtres et leurs familles qui étaient incapables de se loger décemment avec une pareille somme. Ceux parmi nous qui dirigeaient une école ou qui avaient eu la chance d'obtenir un logement en location-vente dans les cités comme Cheik-Osman, avaient pu échapper aux effets dévastateurs de cette mesure.

Au plan politique cependant, pour ne avoir à se battre sur plusieurs fronts, Gouled et les siens (à la tête desquels, l'homme de tous les coups fourés (vous aurez deviné sans peine, de qui il s'agit!)) finirent par faire quelques concessions. Ils instaurent le multipartisme par pragmatisme (pour gagner du temps et séduire les bailleurs de fonds et non par conviction). Ils instaurent le multipartisme obligé (cf. Sommet de La Baule)! Gouled (AHN) n'a-t-il pas dit publiquement (et candidement) “wax demoocrasii la yidhaah ayaa la nagu qasbay...?

Résultat de toute cette mise en scène: le pays se dote dare-dare d'une constitution (15 après son indépendance). Constitution qui limitait le nombre des partis politiques à 4. En plus du RPP au pouvoir, le PRD de Mohamed Djama Élabé (AHN) et le PND de Aden Robleh Awaleh voient le jour. Le 4ème parti est gardé “en réserve” pour la création d'un éventuel parti formé par des éventuels dissidents afars du FRUD!

Dans ce contexte qu'on peut qualifier de véritable régence à la djiboutienne (**), le maître djiboutien était lui aussi de la fronde. Profitant de l'ouverture politique obligée, il s'organisait de nouveau. Le 22 mai 1993 le Syndicat des enseignants du second degré (SYNESED) voyait le jour, suivi le 21 novembre 1993 du Syndicat des Enseignants du Premier degré (le SEP).

Pour le maître, comme pour le citoyen lambda, l'espoir était de retour.

À suivre.

Hassan A. Aden
hassan.aden@ncf.ca

(*) Beaucoup d'employés de l'État monnayaient leur service. Ce n'était un secret pour personne que certains agent de l'État forcaient les usagers des services publiques, de leur payer des pots de vin, dans certains cas, plusieurs fois supérieurs à leur salaire. Ce n'est pas socrcier. Il suffisait de jetter un oeil au train de vie de certains agents des contribution. Certains fonctionnaires en ont gardé des surnoms comme “dhulcun” (le mangeur de la terre). Le surnoms de nos deux “hyènes” du gouvernement date de cette période... Cette pratique au lieu d'être réprimée, était au contraire encouragé. Celui qui ne “mangeait” pas était la risée de tous. Pire, il devenait “dangereux” pour les mangeurs qui se liguaient contre lui pour le faire virer!


(**) Je compare cette période à une régence car plusieurs aspirants à la succession de Gouled se tiraient dans les pieds pendant que, l'un deux, barbouze en chef son oncle, tissait, une à une et tranquille à l'ombre, les solides mailles de sa toile. Toile dont nous voyons aujourd'hui, l'efficacité. Pendant une hospitalisation de Gouled en France, l'un des aspirants n'a-t-il pas annoncé la mort de ce dernier, avant l'heure? Certains étaient pressés à ce point pendant que IOG étalait chaque jour plus loin son influence.

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