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Mail à l'ARDHD (2)

** Chers compatriotes de l'ARDH,

Un grand merci non seulement pour votre réponse à mon mail mais aussi pour le travail de bénévolat que vous faites pour informer notre peuple (et le monde) sur les dérives du pouvoir à Djibouti. Chers compatriotes, je vous demande publier intégralement mon premier mail et le présent. Je persiste et je signe tous les deux.

Je me présente un peu mieux. 3 publications classées toutes 'subversives' sortaient toutes de chez moi (feu Horizon de feu UDD, feu L'Enseignant de feu SYNESED, et feu L'Éducateur de feu SEP). Je suis aussi (entre autre) le maquettiste de la 1ère page (La Une) de la 1ère version du Renouveau et d'un périodique (Ensemble) que DAF a sorti, je crois deux fois... Juste pour préciser de quel bord je suis.

Je suis retourné, moi aussi, comme mon 'mougag' dans notre pays, il y a un peu plus d'un an... J'ai rencontré certains syndicalistes et vieux compagnons de lutte. J'ai vu quelques 'loosers' qui ruminaient dans l'alcool et le khat, la défaite de leur idéal d'égalité et de justice. Ça crève le cœur de voir ses compagnons et amis devenus méconnaissables, car mal compris et méprisés par leurs semblables. Ça crève le cœur de voir la défaite d'un idéal de justice.

J'ai vu aussi quelques 'winners' qui ont changé de bord! Quelle ironie du sort! Ces 'winners' nous traitaient (dans le temps) de quelque chose entre le 'faible' et le 'lâche', quand on essayaient de modérer le discours. Aujourd'hui, ils utilisent le même zèle pour servir le régime. Pas de modération, ni de retenue!

J'ai vu aussi un certain Khaireh Allaleh Hared (Khaireh Pakistan), ministre de l'intérieur lors du 1er génocide post-colonial des gadabourcis (1988-1991). Celui-là même qui jetait en pâture aux milices issas de Guestir (tiens tiens: 'Guestir') des jeunes filles pieds nus (car raflées dans leur sommeil) après les avoir gardées une semaine au sinistre 'Centre de Transit' de Nagad. Celui-là même qui a dit à la télé 'abeesadii farta loo taaga, fanaxay u booda' (très sommairement : la vipère à qui on présente un doigt voudra engloutir le reste de la main). Traduisons: la vipère ce sont le gadabourcis, le 'on' qui donne généreusement son doigt, c'est son clan (les issas, par extension). Il traversaient à pied la place 'Mililig' sans escorte, sans courtisans... à côté de l'un des trois gars contre qui ses tortionnaires, en guise de torture, ont utilisée les fameuses bouteilles de Coke. Est-ce le visage de la pax djiboutiana? Question ouverte.

Chers compatriotes, notre pays a connu plusieurs génocides. Certaines sont imputables aux puissances coloniales. Deux autres le sont, à ceux qui les ont remplacé. Un troisième se prépare. Quel dommage, quand on pourrait être un petit Dubai ou un Hong-Kong ou autre Monaco d'Afrique. Quel dommage et quel manque de vision! C'est triste de voir la situation d'état d'urgence se répéter en boucle...

Revenons aux génocide. Le premier génocide a ciblé les Gadabourcis entre 1986 et 1991. Au moment où papa Mittérand demandait à ses enfants africains d'instaurer le multipartisme, Hassan Gouled et tous ses scribes ont jugé bon de réveiller la vieille animosité 'gada' / issa pour détourner l'attention. Surtout celle des issas qui commençaient à réclamer des comptes (avec différentes motivations) pour d'une part, retarder au maximum l'échéance et, préparer le terrain, d'autre part. Des hommes (certains déchus aujourd'hui et n'ayant eu d'autre choix que de réjoindre/infilter l'opposition circulaient avec du khat, de l'argent et des armes. Du Quartier 6 à Guestir, de Douda à Dikhil, ils répetaient inlassablement: 'innagu waan isku dambaynaaye, horta cadawga han iska ridno' (occupons-nous de nos ennemis d'abord, on reviendra à nos affaires ensuite). 'L'ennemi', je pense que tout le monde comprend, quant à 'nos affaires' il s'agit de la chose publique dont ils faisaient et font toujours 'leur'. Pour la plupart de ces hommes dont Hassan Gouled, cet 'ennemi' est le frère de la mère, le mari de la soeur, le frère de la mère de ses propres enfants (l'épouse), etc.

Il est tout à fait normal que des éléments faibles d'un groupe ou, des opportunistes politiques 'tentent leur chance' en divisant pour régner. C'est un recette très populaire utilisée depuis la nuit des temps par ceux qui n'ont rien à offrir. Une chose est toutefois plus inquiétante: le silence du reste! Complicité? Peur? Allez savoir... Aucune personnalité connue (intellectuels, politiciens, religieux, médecins, avocats...) ne s'est élevé contre ce nettoyage ethnique. Je n'irais pas jusqu'à dire que tous les djiboutiens manquaient de compassion envers nous. Loin de là. Même certains bourreaux le jour protégeaient leurs proches le soir (ils se reconnaitront). Même Gouled aurait proposé à ses oncles du sous-clan Abraïn de venir se réfugier à Baït-el-wali pour fuir la persécution! Je me rappelle aussi le visage embarrassé de certains amis qui voyaient en moi un ami, pas vraiment un 'vrai djiboutien' ou un 'fils du pays' comme eux (ils se reconnaitront). Toujours est-il que personne ne s'est prononcée sur la place publique... Personne ne nous a soutenu publiquement, en ces jours sombres.

Passons au deuxième génocide. Celui des afars. Au plan médiatique, il a eu (et a toujours) toute la couverture requise. Au plan populaire, beaucoup de djiboutiens non-afars ont publiquement manifesté à Arhiba pour soutenir le peuple afar. Personnellement, j'ai participé à deux manifestation. À ce propos, même si j'ai jamais bien compris qui voulait quoi au sein du FRUD (mes amis afars ont toujours été eux-mêmes divisés sur cette question et le sont encore) il était cependant primordial de soutenir ceux et celles qui ont perdu un être cher. Apporter son soutien (ne serait-ce que un peu de chaleur humaine et de réconfort) à ses compatriotes en deuil est pour moi un devoir citoyen, minimum. Mais ce devoir ne s'arrête pas là... J'en conviens.

Passons enfin au génocide qui se prépare. Celui dirigé contre une autre composante importante de la communauté djiboutienne, les issacks. Pourquoi la colère des issas se dirige-t-elle contre un petit groupe de ce clan qui profite (comme tout le monde) des largesse du régime? Parce qu'ils sont 'allogènes'? Plus révoltant encore, pourquoi un pauvre gargotier ou autre kirishbooy du quartier 3 qui ne s'occupe que de ses affaires doit-il payer 'son crime'? Quel crime? Je crois que le bon peuple de la 'Place chameaux' se trompe encore de cible. Le pouvoir se trouve au palais présidentiel. Pas au Q3. Qui aura le courage d'attaquer ce palais? Dans les tracts incitants à la haine qui ont été publiés, je reconnais certains mots, je reconnais leurs auteurs. Certains étaient mêmes des amis, dans le temps... et je peux garantir une chose: ils ne sont pas innocents. Ils n'appartiennent pas au 'bon peuple du quartier 6'.

Parce 'le bon peuple' qu'il soit du Q1, du Q2, du Q3, du PK12 ou de Koutabouya, il a autre chose à faire. Ce bon peuple a besoin de leader visionnaires et inclusifs. Des leaders qui puissent véhiculer et orienter les énergies de tout un chacun afin de faire, de ce petit bout de désert qui est nôtre, rien de moins qu'un Dubai... Le bon peuple du Q6, comme les autres, a besoin de toute son énergie pour construire demain. Pas de défouler sa frustration sur plus démuni que lui.

Un dernier point, je pense que accuser un régime une chose, se perdre dans la commérage en est une autre. J'ai beaucoup de mal à lire le discours de certains opposants parlant de Kadra Haid à toute les sauces. C'est vrai que, d'un côté, cette femme est un personnage publique. On peut s'attaquer à ce qu'elle fait ou inspire mais jusqu'à une certaine limite. Parce que de l'autre, c'est une femme. C'est une mère... Qui sait ce que deviendront ses enfants? De grâce, modérerez vos propos sur elle. Notre sagesse ancestrale a toujours fait preuve de retenue à l'égard des femmes mariées. Qu'est-ce qui se passe? La colère ne doit pas nous faire perdre la raison. Le fait de vider sa bile sur elle ne fera pas avancer Djibouti. Ça ne fera que nous diviser. Pendant ce temps, le monde, lui avance.

Amicalement.

Hassan A. Aden
hassan.aden@ncf.ca

** écrit et publié (avec des modifications) dans le site de L'ARDH en avril 2008 ****

Ils ont publié : « ...Cela dit, j'appartiens à ceux pour qui l'histoire de notre pays n'a pas commencé avec l'indépendance (ou un peu avant). Vivant en exil (surtout en Europe) vous devez comprendre toute l'importance que j'attache à ce que les articles soient plus incisifs ».

J'ai écrit originellement : Ceci dit, j'appartiens à ceux pour qui l'histoire de notre pays n'a pas commencé avec l'indépendance (ou un peu avant). Je voudrais que votre site et votre organisation soient un plus inclusifs. Vivant en exil (surtout en Europe) vous devez comprendre toute l'importance de ce petit mot.

Commentaires

  1. voila il se trouve je faisais 1 petite recherche sur la vie de mon pere Mr khaireh allaleh hareh et je suis tmbe sur votre blog qui me semble tres interessant. je suis tres interesse a propos de lhistoire de mon pays et peut etre meme 1 jour creez des archives que les generations suivantes pourraient consulter.mais ce nes pas tres facile a faire vu le peu d information sur internet alors me voila a vous ecrire.jaimerais en savoir plus sur mon pere autant le politicien que lhomme derriere a travers les yeux des gens qui ont eu l occasion de le connaitre dans sa jeunesse. vs pouvez me contactez sur cet email khaireh87@gmail.com je vous toute reconnaissante.

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  2. Cher compatriote,

    Je suis honoré de savoir qu'un jeune djiboutien, à la recherche de son histoire familiale et de celle son pays, s'adresse à moi pour demander un peu d'aide.

    Hélas, pour être honnête, je ne crois pas que je pourrais vous éclairer beaucoup sur la question étant donné que je ne suis ni historien ni politologue spécialiste de Djbouti. Je ne suis qu'un simple citoyen qui rapporte sans complaisance des faits qu'il a vécu.

    J'ai parlé de votre père simplement parce qu'il était ministre de l'intérieur à un moment tourmenté de l’histoire de notre pays (toujours tourmenté). En effet, entre 1988 et 1991, une composante de la communauté djiboutienne a été pointée du doigt et sauvagement persécutée (tortures, déportation, voire assassinat) pour des crimes qu'elle n'a jamais commis. À ce sujet, votre père a prononcé sur les ondes de la télévision d'État : «abeesadii farta loo taagaa, fanaxay u booda». Je crois qu'il serait intelligent de lui poser la question de ce qu'il entendait par ce proverbe et dans le long discours qu'il a prononcé...

    Certains disent que votre père n'était au courant de rien quand la FNS, autrement dit la police sous sa tutelle, participait au rafles massives, procédait aux arrestations et aux détentions arbitraires. Kaireh Allaleh Hared était ministre de l'intérieur quand la FNS détenait des milliers de personnes innocentes dont des femmes et des mineurs, au camp de concentration de Nagad, pendant plusieurs jours, sans visite ni nourriture, puis, les déversaient dans le désert torride de Guestir. Cela se faisait au vu au su de tous. Peut-on croire qu'il était le seul à ne pas être au courant? Et pourquoi ce proverbe et tous les autres propos accusateurs à la télé?

    Peut-on/doit-on lui accorder le bénéfice du doute dans ces circonstances? Si on est ministre et que ce sont les autres qui décident à notre place, peut-on prétendre qu'on est innocent? On est ministre et on assume ou, il faut avoir le courage de démissionner pour se désolidariser des bourreaux du peuple...

    L'histoire nous a appris aujourd’hui, ce que nous les victimes (j'appartiens aux victimes de la persécution des ces années-là) savions depuis le début: la responsabilité de l'attentat du Café de Paris, utilisé en alibi pour notre persécution, appartenait aux services secrets (et donc au gouvernement djiboutien)!

    Cela dit, comme vous dites si bien, il y a toujours le personnage (le ministre que j'accuse) et la personne (le père de famille, le voisin, le cousin, l'oncle...). Je compatis avec la personne et sa famille et vous présente toutes mes excuses si certains de mes propos vous semblent offensants.

    Amitiés.

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  3. Cet article est saisissant pour nous décrire les massacres (C'est un peu zélé de votre part d'utiliser le mot génocide)injustes commis envers les peuples non-issas.Le système dictatorial GG(Gouled-Guelleh) n'est gentil avec personnes.Les victimes sont maintenant les Issas eux-mêmes.Ce qui m'a le plus choqué et que je trouve un peu-court de la part de l'auteur ,c'est le fait de revendiquer une justice au nom d'un clan et non au nom de la justice universelle.Le clanisme,toujours le clanisme à la base de tous nos problèmes. Et c'est dommage que cet article ne propose aucune solution pour ressouder ces communautés. Mohamed Omar (Un DroitdelHommiste)

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