Passer au contenu principal

Une bibliothèque vient de brûler

Innaa Lillaah wa innaa Ileyhi rajicuun. Je viens d'apprendre la triste nouvelle de la mort du grand abwan Hassan Elmi Diriyeh (AHN) appelé à Allah, le samedi 11 juillet 2009. Feu Hassan a laissé dans le deuil 6 de ses enfants et 10 petits-enfants, à qui je dis 'Samir iyo imaan'. Quant au marxuun, je prie Allah de lui ouvrir toutes grandes les portes de son paradis.

Né en 1933 à Djibouti, Hassan Elmi a fait autorité dans le domaine de la culture en langue somalie pendant plus de 50 ans. Il était auteur. Au cours de sa longue carrière, il a écrit un nombre incalculable de pièces de théâtre comme «sadex baa isku fantay». Toutes les chanteuses et tous les chanteurs djiboutiens connus ont chanté plusieurs dizaines des chansons écrites par le marxun (Saïd Hamargod, Abdi Nour, Neima Djama, Nadifo Hadji, Fadoun Doualeh, Ismahan Houmed, etc.)

Il fut acteur et comédien. Il a fait partie des plus grands maîtres du rire djiboutien. Il a joué aux côtés de Ibrahim Gadhlé (AHN), de Dacar (AHN) de Moussa Gaab et de bien d'autres.

Hassan Elmi était aussi interprête. Cet homme pieux et sage (chose paradoxale dans les milieux artistiques) a écrit puis interprété beaucoup de Qasayd comme «baroor iyo buuq, balay baydh», «guullow allow aakhira na gee, guryo raaxa leh». Il égayait les longues veillées du mois sacré de ramadan. Hassan Elmi Diriyeh (AHN) était aussi un patriote qui appartenait à la classe des artistes djiboutiens qui étaient en premières lignes de la lutte pour l'indépendance.

Le dernier et non le moindre, il étaient également pédagogue en mettant son art au service de l'éducation du public en général et de la jeunesse en particulier. En effet, il a fait des clips vidéos pour plusieurs campagnes de sensibilisation visant à améliorer la santé et la salubrité publique. Son atelier de vulgarisation des chants et danses Saylici dans les installations de l'ancien LIC de Djibouti avaient beaucoup de succès auprès des jeunes.

Comme bien d'autres, Hassan Elmi nous a quitté et avec lui, un grand pan de notre patrimoine culturel. Ahmadou Hambaté Bâ disait «En Afrique, un vieillard(*) qui meurt est une bibliothèque qui brûle». Mais le plus grave dans tout ça, est que j'ai appris la nouvelle de cette bibliothèque qui a brûlé, par un ami qui l'a trouvé dans un site somalilandais.

Aucun mot dans la version électronique de la feuille de chou du gouvernement des warabas de notre pays (versions web en date du 13, 14, 15 et 16 juillet). Comme d'habitude, les affaires des autres passent avant celles des djiboutiens modestes. Dans La Nation, on a envoyé un message de condoléances au président d'Iran, une félicitation à Sarko pour le 14 juillet et son Altesse Sheikh Nasser Mohamed est attendu à Djibouti (sûrement pour signer des chèques au porteur)... Rien sur ce pan de notre culture qui tombe... C'est triste. Car Hassan Elmi était un homme de culture, un auteur et un artiste prolifique doté d'une personnalité humble et pieuse. Durant sa longue carrière, il a su gardé son oeuvre au dessus des querelles partisanes qui ont déchiré notre société. Il n'est pas étonnant que l'organe de presse des warabas ne rende pas hommage à ce genre d'homme.

«Guullow allow, aakhira ku gee, guri raaxa loo, gogol fican taal» (je reprends les propres mots du regretté). Et moi j'ajoute : Illaahooy u naxariiso Xasan, isagiyo waalideeteen, walaaleheen, iyo, muslimiinta dhamaan intii xaq iyo xusuusba inagu lahayd ee xabaalo bariday. Amiin yaa Allah.

Hassan A. Aden
hassan.aden@ncf.ca

(*) Un vieillard (ou oday en somali, idalto en afar, shayba en arabe) loin d'être péjoratif, est un terme plein de respect dans les langues nationales djiboutiennes. La meilleure traduction serait selon moi «un vénérable».

Commentaires

  1. May Allah accept Hassan Elmi Diriye in his Jannat'al Fardaus. Amen.

    RépondreEffacer

Publier un commentaire

Messages les plus consultés de ce blogue

Qui est quoi?

Comme je m'y attendais un peu, mon article sur les autochtones de Djibouti a provoqué une avalanche de réactions. Certaines ont été laissées en commentaires dans le blog lui-même (je vous laisse le soin d'y jeter un coup d'œil) et d'autres m'ont été envoyées directement sous forme de courrier électronique. J'ai même reçu quelques menaces (indirectes). J'ai donc jugé bon de revenir sur le sujet non pas pour changer de cap, mais pour le maintenir! Chers compatriotes, ce qui est bien dommage, c'est que la plupart des réactions proviennent de parfaits anonymes. Ce genre d'attitude me rappelle les «shadirré» , ces tristement célèbres indics qui dénonçaient les leurs aux français pendant les années de la lutte pour l'indépendance, en se cachant derrière un voile noir (shadir). Ceux qui se cachent sont des «shadirré». Rien de moins. Sinon pourquoi cachent-t-ils leurs identités? Pourquoi cachent-t-ils leurs visages et leurs noms? C'est simple.

Qui est prêt pour remplacer IOG?

En lisant ici et là l'actualité sur notre pays, en provenance aussi bien du régime que de toutes les oppositions, une question m'est venu à l'esprit : « qui est prêt à remplacer IOG, aujourd'hui? ». Certains souriront. Moi, pas! Voici pourquoi. Chers compatriotes de gré ou de force, un jour, IOG va partir . Rappelez-vous : Menghistu, Syad Barreh, Arap Moi, Hassan Gouled... Ils sont tous partis. D'une manière ou d'une autre. Si M. IOG partait aujourd'hui, qui pourrait le remplacer sans heurt. Sans violence. Sans une autre guerre civile. Sans verser une goutte de sang. Cette question m'a beaucoup cuisiné, tellement la réponse est loin d'être évidente, pour moi en tout cas. Qui est assez rassembleur tout étant crédible? Qui a un passé sans taches? Qui est compétent et honnête, à la fois?.. Qui mérite d'être notre prochain président? Dans notre région troublée, des hommes comme Syad Barreh et Menghistu ont quitté le pouvoir par la porte de servi

L’attentat du Café de Paris: Chonologie des événements

Le jeudi 27 septembre 199 0, vers 19heures, 4 hommes arrêtent un taxi pour demander au chauffeur de les conduire au lieu dit «Jaman-Cas»* où ils auraient un véhicule en panne. Arrivé à destination, le conducteur est purement et simplement ligoté par les 4 passagers. Ce n’est pas tout: son véhicule fut volé par les 4 malfaiteurs. Le chauffeur, «Carrabloo» de son surnom est donc laissé attaché, là-bas. Aux environs de 21 heures, l’attentat du Café de Paris est commis. Plusieurs dizaines de personnes (essentiellement française) sont blessées à des degrés plus ou moins grave et deux enfants innocents y perdent la vie: un petit cireur de chaussures djiboutien et un petit français. Selon les premiers témoignages, ceux qui ont commis cet acte à la fois lâche et ignoble, «ont lancé plusieurs grenades et pris la fuite à bord d’un taxi». Ces premiers témoins avaient donné une description sommaire du véhicule et des ses 4 occupants. «Une recherche» est lancée… Autour de 20 heures